Université d’Abomey-Calavi : Du flou dans l’attribution des cabines


Par Ablawa BOKO

Le centre des œuvres universitaires et sociales (Cous) des universités publiques du Bénin a pour mission majeure de contribuer au bien-être social des étudiants.Parmi les services ou prestations qu’il offre aux étudiants, il y a l’hébergement à travers la mise à disposition des résidences universitaires. Entre les étudiants qui demandent les résidences et l’autorité qui offre, qui mène le jeu ?

Du favoritisme de la part d’une quelconque autorité du Centre des œuvres universitaires et sociales (Cous) ? Du clientélisme de la part d’un responsable d’associations d’étudiants ? Alda avoue n’avoir eu aucune de ces aides pour être admise en résidence universitaire à l’Université d’Abomey-Calavi (Uac). Et pourtant, elle ne connaît ni les critères d’octroi des résidences universitaires, ni même la procédure que tout résident devrait avoir suivi. « Je ne connais pas la procédure. Je ne sais vraiment pas comment cela se passe », dit-elle. Gérés par le Cous et octroyés aux étudiants désireux de résider sur le campus parce qu’habitant très loin de l’université, les résidences universitaires encore appelées « cabines » sont de petits dortoirs de deux ou trois lits construits sur les campus des universités publiques. Alda habite à Cocotomey, un quartier situé dans la commune d’Abomey-Calavi et pas très loin de l’université. Remplissait-elle les critères pour se retrouver en cabine ? « Je ne sais pas comment on obtient une cabine. C’est grâce à ma cousine que je suis là. C’est elle qui a fait tout ce qu’il faut », indique l’étudiante. Sa cousine Méaka aussi étudiante sur le campus précisément à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature, a donc fait tout ce qu’il fallait pour que toutes deux soient dans une même cabine. Mais cette dernière affirme avoir juste déposé deux dossiers : un en son nom et un autre au nom de sa sœur.

L'âge de l'étudiant (21 ans au plus pour les nouveaux bacheliers et 24 ans au plus pour les étudiants du 2ème cycle), les résultats académiques du postulant, l'éloignement de la résidence des parents et du lieu d'obtention du baccalauréat. Ce sont entre autres critères à remplir pour avoir accès aux résidences universitaires. Des critères inscrits dans le guide d’orientation du Cous fourni par le site Internet de l’Uac. Même s’il n’est pas actualisé, il donne une idée sur la procédure à suivre pour résider sur le campus. Une procédure que disent avoir suivi Ginette et Yolande. Pour Ginette, c’est une chance d’avoir une cabine « légalement » en déposant son dossier au niveau du Cous. « Ma cabine, je l’ai obtenue en déposant un dossier composé de la fiche de préinscription, d’un certificat de résidence au nom des parents et d’une fiche à retirer au niveau du Cous ». Yolande étudiante en première année de Sociologie a aussi obtenu sa cabine en suivant la procédure dite légale. « J’ai déposé un dossier qui comportait une attestation de résidence et une photocopie de la carte d’étudiant », informe-t-elle.

De l’arbitraire dans l’octroi des résidences !

« C’est grâce à l’aide d’une amie qui est dans une institution sur le campus que j’ai obtenu la cabine. J’ai déposé le dossier et elle a appuyé », avoue Valérie. Etudiante en quatrième année de Sciences économiques et donc en dernière année d’étude pour le second cycle, ses chances étaient certainement réduites. Elle le reconnaît d’ailleurs en précisant qu’aucune de ses camarades n’a pu obtenir une place en cabine. « C’est une chance pour moi », affirme-t-elle l’air rassurée. A-t-elle eu de la chance ou a-t-elle simplement bénéficier de la légèreté dans le respect des critères d’attribution ?

« Je ne sais pas comment ils font et sur quels critères ils se basent pour étudier les dossiers », affirme Méiaca. Elle est dans l’une des institutions de l’université et elle explique que les membres de cette institution ont un privilège. « Il y a une liste au siège de l’institution, m’a-t-on dit, et ceux qui veulent des cabines y inscrivent leurs noms mais je n’ai pas mis mon nom sur cette liste là pour avoir ma cabine ». Pour Ginette, il faut connaître quelqu’un dans le milieu pour être servie. « Pour ceux qui ne connaissent personne dans le milieu, la chance d’avoir une cabine est très minime », lâche-t-elle.

Comment se fait alors l’attribution face au nombre très élevé d’étudiants demandeurs de lits en cabines et au nombre réduit de lits dont dispose l’université ? A qui donne-t-on la chance et qui laisse-t-on de côté ?


1500 lits pour plus de 4000 étudiants : le problème est là !

« Les critères pour l’attribution des cabines sont élaborés en commission. Une commission formée d’un représentant du Bureau directeur du comité des résidents (Bdcr), d’un représentant de chaque syndicat étudiant et des autorités du Cous chargé du volet hébergement », explique Gauthier Allènou, président du Bdcr et représentant du Bdcr au sein de la commission d’étude des dossiers. Des critères qu’il sait refuser d’énumérer en affirmant que  « le seul et premier critère pour avoir une cabine, c’est d’être étudiant ». Etudiant en droit des affaires et carrière judiciaire, il dit représenter les étudiants désireux de rester en cabine et de défendre leur dossier au niveau de la commission.

Selon lui, donner les critères ne ferait qu’amplifier les accusations de fraude parce que certains insatisfaits qui respectaient pourtant ces critères ne comprendront pas comment on a pu les empêcher d’être en cabine. Et comment expliquer le fait que des étudiants respectant lesdits critères n’auront ou n’ont-ils pas eu une place en cabine ? « Il n’y a pas de dossiers qu’on ne reçoit pas. Mais si on a que 1.500 lits à mettre à la disposition de plus de 3.000 ou 4.000 étudiants vous convenez avec moi qu’on ne peut pas mettre 3.000 étudiants sur 1500 lits ». Et donc il est évident pour lui qu’il y ait des jaloux et des aigris qui dramatisent la situation même s’il reconnaît qu’il y a du pas clair dans une certaine mesure.

Et la fraude vient de tout le monde !

« Les étudiants peuvent tricher sur les renseignements demandés dans le dossier sans que l’administration ne le sache. Et le fait qu’un étudiant ne remplisse pas les critères mais qu’il soit en cabine ne dépend ni du comité de gestion de l’attribution des résidences, ni de l’administration du Cous » se défend-t-il. Il donne l’exemple d’un étudiant qui n’habite pas loin contrairement à ce que dit son attestation de résidence. Dans un tel cas, il écarte complètement la responsabilité de l’administration et des responsables étudiants. « On juge sur la base des documents présentés donc quelqu’un peut être à deux mètres du campus et avoir une cabine », justifie-t-il. Mais pour Ginette, il y a bien du favoritisme au niveau de l’octroi des cabines et cela vient des autorités en charge. Elle affirme que si des gens arrivent à se retrouver en cabine sans avoir déposé un quelconque dossier, c’est qu’il y a anguille sous roche. Ce que le président du Bdcr n’infirme pas.

« Je ne pourrais pas vous dire si oui ou non il y a des magouilles. En ce sens que quand le truc est flagrant, il faut le dire. Après l’étude en commission on voit de petits papiers que ce soit verts, rouges, bleus ou jaunes qui circulent et attribuent des cabines à qui ? On ne saurait le dire. C’est en ce sens que je ne pourrai pas vous répondre. Sinon il y a des magouilles » a-t-il déclaré. Mais pour ceux qui se plaignent de n’avoir pas été pris en compte ou de n’avoir pas été informé du délai sur le dépôt des dossiers pour attribution de cabine, il rassure que la commission prend en compte ces cas. « Il y a plusieurs personnes qui sont venus vers moi du fait qu’on ne leur a pas attribué les cabines. En commission on a décidé de n’octroyer que 1400 lits et de réserver 100 pour ces cas là parce que ça ne manquera jamais » conclut-il sur ce fait.

100 lits réservés aux mécontents ? Cela suffira-t-il pour calmer ceux qui crient à la fraude ? Ou faudra-t-il simplement penser à la construction de nouveaux résidences universitaires et au respect strict des critères de sélection des bénéficiaires ? Les autorités en charge de l’hébergement sont les seules capables de trouver des solutions adéquates pour faire moins ou pas du tout de mécontents.

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