Campus d’Abomey-Calavi : « On m’a volé mes notes ! »


Sur le campus d’Abomey-Calavi, les chemins de la réussite sont multiples. Et pour ceux qui n’y comprennent rien, le passage en année supérieure devient presque impossible.

Après un an d’étude sur le campus, Flore G. et Monelle Z. sont déçues. Toutes deux regrettent leur choix. Monelle se demande pourquoi s’être inscrite en Lettre Modernes à la Faculté des Lettres Arts et Sciences Humaines (Flash) et Flore n’a plus envie de suivre les cours données en Chimie Biologie Géologie (Cbg) à la Faculté des Sciences et Techniques (Fast). Réussir à l’Université, elles y ont cru puisqu’ayant pu franchir l’étape du Baccalauréat. « Je me suis toujours dit que le plus dur c’était d’obtenir le Bac, le reste n’était qu’un jeu d’enfant » confesse Monelle. « J’ai toujours entendu parler de l’Université comme une jungle où tous les moyens sont bons pour réussir, la finalité étant le diplôme. Mais je n’y aie jamais cru » confie Flore. Ces deux jeunes étudiantes vivent encore très mal l’échec de leur première année sur le campus d’Abomey-Calavi.
Comme elles, ils sont par dizaines, ces nouveaux bacheliers qui très vite se heurtent à la dure réalité de l’université. Ils se rendent compte que loin des principes normaux du succès pour un étudiant (l’assiduité, la régularité aux cours, l’implication dans les enseignements et bien sûr la révision régulière de ses cours), il existe d’autres règles certainement peu orthodoxes mais qui conditionnent aussi les résultats de l’apprenant.
Monelle nous montre ses notes lorsqu’elle était en classe de terminale et même ceux obtenues au Baccalauréat série A. Rien à avoir avec les faibles scores obtenus en Lettres Modernes. « Et pourtant les épreuves n’étaient pas si compliquées et pour les deux sessions j’ai travaillées comme une folle » raconte-t-elle toute désemparée. Pour elle, ces notes ne peuvent pas être les siennes.
« Mes notes ne me conviennent pas »
Ce Lundi 09 Mai, Fallisath B. est venue sur le campus s’inscrire pour la quatrième fois en troisième année d’Anglais à la Flash. « Cela fait trois ans que j’essaye d’éliminer une seule matière pour avoir ma Licence en Anglais, mais chaque année on me ramène une note minable et tout est à recommencer » explique-t-elle. Même si c’est un coup dur pour elle parce qu’elle a passée ses deux premières années sur le campus avec une très forte moyenne et qu’elle était boursière, Fallisath se résigne. « Je sais que ces notes qu’on m’attribue depuis trois ans ne reflètent pas mon niveau mais je n’y peux rien ».
Plusieurs étudiants comme Fallisath pensent qu’il y a un flou autour de la correction des copies et de l’attribution des notes aux étudiants. Une « mafia » qui sévie dans plusieurs facultés et dont ils disent tous, ignorer les règles du jeu.
Casimir, étudiant en Anglais raconte qu’il est fréquent dans sa filière de voir attribuées à un étudiant différentes notes à chaque proclamation de résultats ou de voir attribuer les notes d’un étudiant X à un étudiant Y. Et la supposée  erreur ne se rectifie pas même après les réclamations de l’étudiant lésé.
Pour Monelle, cela pourrait « expliquer la provenance des notes qui sont supposées être les siennes ». Fille d’enseignant, elle a été éduquée dans un environnement où l’échec scolaire n’était pas toléré. Admise au baccalauréat avec une mention assez bien à Houègbo, dans la commune de Toffo où résident actuellement ses parents, elle affirme que c’est la première fois qu’elle obtient des notes aussi minables. A en croire ses propos, ses parents trouvent cela inadmissible que leur fille n’ait pas pu passer en deuxième année. « Pour mon père, la seule explication  c’est que je m’amuse sur le campus ». Mais elle refuse de croire en cette faible performance que lui attribuent ces notes.
Flore aussi ne se reconnait pas dans les notes qui lui sont attribuées. Après avoir passée les deux sessions d’examens, elle n’a pu éliminer aucunes des 13 matières au programme en première année. Elle affirme n’avoir pourtant pas raté aucun de ses cours et s’être soumise à toutes les exigences des professeurs. Elle parle ainsi des différents supports de cours et photocopies pour lesquels on les obligeait à payer. Même reconnaissant être une élève moyenne au collège, elle refuse de croire que ces notes sont les siennes.
Si tous affirment avoir été mal noté ou s’être fait voler les notes, tous reconnaissent ne pas pouvoir trouver un coupable. Est-ce le rectorat, l’administration générale du campus d’Abomey-Calavi ? Est-ce l’administration chargée de la gestion de leur différente faculté ou la direction chargée de la gestion de leur différente filière ? Est-ce la faute à l’enseignant qui a corrigé les copies d’examens ou à l’agent qui a relevé les notes ?
« Je ne sais pas à quel niveau se trouve le problème mais il y a une faille dans toute l’administration qu’il faut corrigée » souligne Fallisath.
Une faille qui certainement conduit à toutes les dérives même au niveau des étudiants. Une faille dans tout le système de gestion des examens qui poussent certains étudiants à faire le choix de la facilité.
« Pour réussir j’ai dû choisir la défense en ligne »
Pour passer en année supérieure, Euphrem a sa petite méthode qui pour lui marche bien : la défense en ligne. « La défense en ligne, c’est une technique utilisée au cours des examens. Le groupe d’étudiants qui décident de le pratiquer se positionne de manière à former une chaine dans la salle de composition. Le plus intelligent reste devant et son rôle est de traiter l’épreuve soumis aux étudiants et de renvoyer le corrigé à ses camarades qui se le partagent sur toute la ligne » explique Maximilien un camarade d’Euphrem en pleine discussion avec ce dernier devant les bureaux de leur faculté. Il affirme devant son camarade n’avoir jamais tenté le coup même si ce dernier l’y a toujours convié. Euphrem dit ne vouloir qu’une seule chose, être qualifié, avoir un diplôme. Et pour lui c’est la solution pour y arriver. Une méthode qu’il se refuse de qualifier de tricherie mais qu’il prend pour une stratégie qui lui permet de se défendre sur le campus et de « sortir son épingle du jeu ». « Tout ce que je cherche c’est un diplôme pour me caser quelque part » se plait-il à rappeler.
Mais ce n’est pas évident de pouvoir « sortir son épingle du jeu » si la méthode utiliser pour y arriver c’est d’enfreindre la loi. Cela décrédibilise totalement les copies d’examens des étudiants et peut expliquer le peu d’intérêt accorder à la correction et à l’attribution des notes par les professeurs.


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