Les facultés classiques : Le cauchemar des nouveaux bacheliers
Par Ablawa BOKO.
Malgré
son qualificatif de « haut lieu du savoir », l’Université
d’Abomey-Calavi traine encore
des problèmes de restructuration qui malheureusement agissent sur le
rendement. Même avec les efforts de modernisation et d’informatisation
de son fonctionnement, elle peine à offrir aux jeunes bacheliers des
conditions d’études meilleurs surtout dans les facultés classiques.
Ce
samedi matin du mois de Juin 2011, Marie se demandait s’il fallait
aller au cours. Elle avait peur de suivre six heures de cours debout
dans un coin ou de se faire renvoyer par le professeur. « Je n’ai pas
acheté les fascicules imposés par le professeur. Un fascicule de
2000fcfa qui contient le cours et un autre de 1500fcfa à acheter pour
avoir accès à un examen qui aura lieu le jour suivant (dimanche). C’est
stressant, c’est embêtant ». Stressant pour Marie parce qu’elle n’est
pas habituée à suivre les cours dans ces conditions et à passer des
examens de dimanche. Etudiante en première année dans l’une des filières
de la faculté des lettres arts et sciences humaines (Flash) de
l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), Marie ne sait déjà plus comment
réagir face à ce changement d’atmosphère et de conditions de travail.
Elle cache mal son ressentiment face aux conditions d’étude dans la
filière qu’elle a choisie. « Je suis déjà dégoutée par ce que je subie
en faculté et fatiguée de l’université. Cela m’ennui parfois. C’est
vraiment du désordre ». Marie fait une pause comme si le courage lui
manquait pour continuer. Avant de renchérir : « C’est certainement parce
que je suis dans une faculté que les choses se passent ainsi. Je suis
convaincue que les conditions seront bien meilleurs dans les écoles
professionnelles ».
Sortis
du cadre collégien d’étude, plusieurs nouveaux bacheliers comme Marie
se retrouvent dans un environnement totalement différent et hostile pour
certains : les facultés. Ces facultés dites classiques sont au nombre
de quatre à l’Uac : la faculté des lettres arts et sciences humaines
(Flash), la faculté des sciences et techniques (Fast), la faculté des
sciences économiques et de gestion (Faseg) et la faculté de droit et des
sciences politiques (Fadesp). Communément appelées « chine populaire »,
ces facultés ont toujours été confrontées à d’énormes difficultés qui
ne facilitent pas la tâche à ceux qui s’y aventurent. Ces derniers,
surtout les nouveaux bacheliers font péniblement face aux divers
changements qui s’offrent à eux.
Facultés classiques : lieux d’inconfort?
Rien
à voir avec le système de cours au collège. Rien à avoir avec la
rigueur et les exigences d’une école. Les facultés classiques dans les
universités publiques au Bénin et surtout celles de l’Uac présentent aux
nouveaux bacheliers qui y tentent leur chance, un autre aspect des
conditions d’études à l’université.
« On
s’inscrit difficilement à cause du nombre pléthorique surtout à la
Flash. Il y a toujours des problèmes de salles. On se bouscule pour
avoir de la place dans les amphithéâtres. Les enseignants ne considèrent
pas les étudiants et je me demande comment ils pourraient le faire avec
ce nombre… ». Autant de problèmes que Marie énumère avec amertume. Pour
elle, c’est invivable et cela ne favorise pas l’excellence.
« Dans
une classe au collège on n’est pas plus de 70 maximum mais en faculté,
c’est tout une population, on peut compter 200 minimum et 18.000
maximum. Au collège tu as ta place dans ta classe mais ici c’est la loi
du premier occupant » dénonce Marie.
2000
places pour accueillir plus 28.000 étudiants inscrits dans le
département Flash à Abomey-Calavi, tout le problème est là selon
Christophe Sègbè Houssou, Maître de Conférences en Géographie et Doyen
de la Flash au cours d’un entretien accordé au journal Le Matin en
Septembre 2010.
Pour
ce dernier l’effectif pléthorique complique les conditions de travail
et affecte le déroulement des cours. Mais cela ne dédouane pas les
professeurs aux yeux des étudiants. Ces derniers pensent que les
professeurs se cachent derrière ce fait pour ne pas donner le meilleur
d’eux-mêmes. « L’enseignement sur le campus surtout en faculté est
incomplet. Nos professeurs nous livrent seulement une partie de ce
qu’ils devraient nous enseigner. C’est vrai, l’étudiant doit faire des
recherches mais on remarque que finalement c’est tout le cours qu’il
doit rechercher » selon Stéphane B. frustré après deux années d’études
sans succès à la Fast.
Aurelien
Agossou, étudiant en année de licence dans une université privée et en
première année à la Fast accuse les professeurs de changer de pédagogie
selon qu’ils soient en école ou en faculté, un changement de méthode en
défaveur des étudiants en faculté. « Les professeurs que l’on trouve en
faculté se retrouvent pratiquement dans certaines écoles
professionnelles. Ils enseignent mieux dans les écoles qu’en faculté »
précise-t-il. Marie qui a déjà fait une année à la Fadesp sans succès
insiste sur ce fait en affirmant que : « Les enseignants se foutent
complètement des étudiants des facultés, ils font leur loi. Et quand en
tant qu’étudiant tu ne respectes pas ces lois, sois sûr que tu
reprendras l’année ».
Mais
Christophe Sègbè Houssou n’avait pas occulté l’influence de l’effectif
des étudiants sur la qualité du cours et sur le taux de réussite. Il
avait rappelé que les effectifs pléthoriques des étudiants causent trop
de problèmes aux professeurs. Et quand dans une salle de plus de 2000
étudiants il n’y a pas de sonorisation ou qu’elle ne fonctionne pas
l’enseignant est embêté dans son travail. Et il avait également ajouté
que : « … Quand on parle d’effectif pléthorique, il faut comprendre que
ça rejaillit en même temps sur la correction des copies des étudiants,
parce que ces corrections sont lentes » a-t-il précisé. En clair,
l’effectif pléthorique dans ces facultés n’arrange ni l’étudiant dans
l’assimilation des cours, ni le professeur dans sa pédagogie. Ce qui a
une influence sur le taux d’échec dans ces facultés. Un taux toujours
élevé. Il faudra alors revoir et accélérer la mise en œuvre d’un plan de
gestion du flux d’étudiants qu’accueillent ces facultés.
En
attendant que tout cela se réalise Marie s’en remet à Dieu : « Les
étudiants des facultés et du campus en général n’ont que Dieu sur qui
compter. Et comme Dieu n’oublie jamais ces enfants ! ».
Commentaires
Enregistrer un commentaire